Éducation et formation sous le regard de la sociologie de l’éducation

Numéro thématique coordonné par :

Stéphane MARTINEAU, Université du Québec à Trois-Rivières, Canada.

Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE-UQ), Montréal, Canada.

Argumentaire scientifique :

L’émergence de la sociologie de l’éducation remonte, en gros, aux travaux de Durkheim qui, le premier, en a fait un objet d’étude (1938, 1966). Ce n’est cependant qu’après le deuxième grand conflit mondial que ce champ de la sociologie prend véritablement son envol. En effet, dans la foulée du projet socio-politique qui se met en place en Occident autour du développement économique, l’éducation devient un enjeu social important (Dandurand et Ollivier, 1987). Cette importance accrue de l’éducation comme élément clé du développement économique (mais aussi de la justice sociale) propulse les systèmes scolaires européens et nord-américains dans une spirale de changements et d’expansion effrénée. Cela se vérifie tout particulièrement dans l’enseignement secondaire et dans l’éducation universitaire. Le champ est alors libre pour un essor et une institutionnalisation de la sociologie de l’éducation.

Que ce soit aux États-Unis, en France ou en Grande Bretagne, la sociologie de l’éducation connaît en effet des développements importants au fil des années 1950 à 1980. Ces développements portent tout autant sur les objets d’étude, les méthodologies ou les cadres théoriques. Par exemple, on pense aux États-Unis aux travaux de Bowles et Gintis ou de Coleman, en France à ceux de Bourdieu et Passeron et de Boudon et en Angleterre à ceux de Bernstein ou de Young et Whitty. Durant cette période, que ce soit à partir des théories fonctionnalistes, des théories critiques (notamment marxiste et néo-marxiste), des théories de la reproduction, de celles de la résistance ou d’une approche inspirée de la sociologie compréhensive, la sociologie de l’éducation analyse essentiellement les origines et les destinations sociales des élèves en tant que déterminants de leurs cheminements scolaires et professionnels (Sever, 2012). Elle étudie donc les populations scolaires, leur flux au travers des diverses institutions éducatives, leurs taux de réussite ou d’échec, leur répartition entre les sections et les niveaux du système d’enseignement ainsi que les pourcentages de diplômés. La sociologie oscille alors entre une vision de l’éducation comme instance de progrès et d’émancipation et une autre qui la comprend comme une instance de contrôle symbolique de la reproduction sociale Néanmoins, indépendamment des divergences de points de vue, les décennies de recherches démontrent l’importance de la prédestination et de la détermination sociales des cheminements.

Même si les sociologues ne s’entendent pas sur les causes et les processus impliqués, la sociologie de l’éducation met donc en évidence la force des mécanismes de reproduction en jeu tant à l’intérieur et qu’à l’extérieur du système d’éducation. À partir des années 1980, on observe toutefois un renouvellement des problématiques, renouvellement qui ne va pas sans un certain éclatement des objets d’analyse. Les recherches quantitatives adoptant une posture macrosociologique et cherchant l’explication causale perdent de leur importance au profit d’une posture microsociologique qui, bien qu’elle donne un second souffle à la recherche, présente le risque d’un certain enfermement dans le local tout en répondant fort imparfaitement à l’exigence de la généralisation. En dépit de ces faiblesses et à la faveur du « retour de l’acteur », les recherches qualitatives « ouvrent la boîte noire » et se penchent enfin sur ce qui se passe dans l’école et dans la classe.

Même si les anciennes thématiques demeurent, depuis une vingtaine d’années, de nouveaux objets ont émergé : la sociologie du travail enseignant et des autres professions de l’éducation, la professionnalisation des métiers de formation, les relations interethniques à l’école, le rapport école-communauté, les rapports des élèves aux savoirs scolaires, les handicaps et l’inclusion scolaire, les études sur le genre et l’éducation, l’influence croissante des recherches biomédicales en éducation ; la formation professionnelle en alternance, la sociologie de l’enseignement à distance, l’éducation populaire, etc. (Hambye et Siroux, 2014 ; Robert et Carraud, 2018 ; Roucous et Adam, 2016 ; Gewirtz et Cribb, 2006 ; Tremblay et Loiselle, 2016 ; Youdell, 2017).

Devant une école qui voit son espace/temps se transformer sous la pression du monde du travail, l’influence de l’arrivée de nouvelles « clientèles » et la mise en place de nouveaux dispositifs de formation « en ligne », la sociologie ne semble avoir d’autre choix que d’adapter son regard. Des questions se posent alors. Sachant que dès ses tout débuts, la sociologie de l’éducation s’est confrontée aux questions vives du moment (lesquelles lui ont fourni en grande partie ses objets et ses angles d’analyse) qu’en est-il de la sociologie de l’éducation aujourd’hui ? Quelles questions traversent la discipline ? Quels cadres prend-elle pour y répondre ? Plus globalement, qu’a-t-elle à dire au sujet les défis éducatifs contemporains ?

En somme, le projet de ce numéro thématique de la revue Phronesis est, d’une part, d’établir un état des lieux des travaux actuels en sociologie de l’éducation et, d’autre part, d’analyser quelles sont les grandes questions éducatives que ces travaux étudient ainsi que les réponses qu’ils proposent. Le numéro peut accueillir tant des articles qui présentent des recherches empiriques que des textes de nature plus fondamentale qui déconstruisent un concept, une théorie ou un paradigme.

Le numéro propose de répondre aux questions suivantes qui constituent trois grands axes structurant ce numéro :

Axe 1. Quels regards porte la sociologie de l’éducation sur les grandes questions vives en éducation et en formation ? Plus spécifiquement : Qu’en est-il de la question des inégalités sociales et scolaires aujourd’hui ? Comment est définie et prise en charge la diversité des populations étudiantes ? On pense, entre autres, aux grands enjeux interreliés à cette diversité : mixité sociale, laïcité, populations jugées vulnérables. Comment l’école assume-t-elle ces nouveaux défis ? Et, surtout, de quelles manières la sociologie de l’éducation définit-elle ces problématiques et quels types de réponses propose-t-elle ? En identifiant ces différentes questions, le numéro thématique de la revue Phronesis propose d’identifier et de caractériser les principaux objets d’études que la sociologie de l’éducation propose de traiter aujourd’hui à la lumière des grands enjeux sociaux et sociétaux. Il vise aussi à mettre en évidence les différents cadres sociologiques de référence convoqués pour analyser ces nouvelles réalités et problématiques sociales. Enfin, ce numéro propose de repérer les propositions sociologiques de lecture et d’analyse de ces nouvelles problématiques éducatives.

Axe 2. Comment les recherches portant sur le travail éducatif et sur la professionnalisation des parcours de formation mobilisent-elles aujourd’hui la sociologie de l’éducation du point de vue de ses théories, de ses concepts et de ses méthodologies ? Autrement dit, comment ces objets de recherche, au cœur des sciences de l’éducation et de la formation, sont-ils saisis par la sociologie de l’éducation, dans ses différentes appropriations et interprétations. Quels impacts ces lectures sociologiques compréhensives ont-elles sur les politiques éducatives ?

Axe 3. La sociologie de l’éducation peut-elle constituer une grille d’analyse des problématiques rencontrées par les professionnels de l’humain ? Considérant que les professions de l’humain, comme les parcours de formation préparatoires à l’exercice de ces professions, font l’objet de travaux et de publications conséquentes, quels sont les apports de la sociologie de l’éducation à l’étude des professions de l’humain ? Des modèles d’analyse spécifiques sont-ils élaborés et convoqués pour traiter la problématique de la professionnalisation dans les professions adressées à autrui ?

Nous invitons les différents auteurs, intéressés à soumettre une proposition d’article, à indiquer dans quel axe ils souhaitent inscrire leur projet de texte.

Bibliographie indicative :

Bernstein, B. (1971). Class, Codes, and Control Vol.1, Theoretical Studies towards a Sociology of School Knowledge. Routledge.

Bowles, S., Gintis, H. (1976). Schooling in Capitalist America. Basic Books.

Boudon, R. (1973). L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles. Armand Colin.

Bourdieu, P., Passeron, J.-C. (1970). La reproduction : éléments pour une théorie du système d’enseignement. Éditions de Minuit.

Bourdieu, P., Passeron, J.-C. (1964). Les héritiers : les étudiants et la culture. Éditions de Minuit.

Coleman, J. (1968). The Concept of Equality of Educational Opportunity. Harvard Educational Review, 38(1), 7-22.

Dandurand, P., Ollivier, É. (1987). Les paradigmes perdus : essai sur la sociologie de l’éducation et son objet. Sociologie et sociétés, 19(2), 87-102. https://doi.org/10.7202/001164ar

Durkheim, É. (1938). Évolution pédagogique en France. Presses universitaires de France.

Durkheim, É. (1966). Éducation et sociologie. Presses universitaires de France.

Gewirtz, S., Cribb, A. (2006). What to do about values in social research: the case for ethical reflexivity in the sociology of education, British Journal of Sociology of Education, 27(2), 141-155, DOI : 10.1080/01425690600556081

Hambye, P., Siroux, J.-L. (2014). D’un arbitraire à l’autre. Réflexion sur la pertinence du concept de « violence symbolique » en sociologie de l’éducation. Les Cahiers de Recherche du Girsef n° 96. hal-00980183

Robert, A. D., Carraud, F. (2018). Professeurs des écoles au XXsiècle. Portraits socioprofessionnels. Presses universitaires de France.

Roucous, N., Adam, D. (2016). L’éducation populaire aux prises avec le loisir des enfants. Dans F. Lebon et E. de Lescure (Dir.), L’éducation populaire au tournant du XXsiècle. (p. 63-77). Éditions Croquant.

Sever, M. (2012). A critical look at the theories of sociology of education. International Journal of Human Sciences. 9:1. http://www.insanbilimleri.com/en

Tremblay, S., Loiselle, C. (2016). Handicap, éducation et inclusion : perspective sociologique. Éducation et francophonie, 44(1), 9-23. https://doi.org/10.7202/1036170ar

Youdell, D. (2017) Bioscience and the sociology of education : the case for biosocial education, British Journal of Sociology of Education, 388), 1273-1287, DOI : 10.1080/01425692.2016.1272406

Young, M., Whitty, G. (1977). Society, State and Schooling. The Falmer Press.

Calendrier prévisionnel :

  • Publication de l’appel à textes : 20 janvier 2024
  • Transmission du résumé (500 mots) au coordinateur du numéro : 20 mars 2024
  • Retour aux auteurs sur les résumés : 31 mars 2024
  • Transmission des textes par les auteurs.es au coordonnateur du numéro : 20 septembre 2024
  • Transmission des textes aux évaluateurs.trices : 25 septembre 2024
  • Retour des évaluations : 15 janvier 2025
  • Transmission des évaluations aux auteurs.es : 25 janvier 2025
  • Transmission des textes révisés au coordonnateur : 15 avril 2025
  • Relecture des textes par le coordonnateur du numéro et l’équipe de la revue Phronesis : mai 2025
  • Publication : Second semestre 2025 ou Premier semestre 2026

CONSIGNES AUX AUTEURS-ES

 Règles générales :

Les auteurs.es intéressés.es sont invités.es à soumettre un résumé de 500 mots présentant le projet d’article pour le 20 mars 2024 (date fixée par le coordonnateur du numéro et par le directeur de la revue).

Les auteurs.es transmettent leur résumé (puis leur texte) leur texte directement à l’adresse suivante :

info@revue-phronesis.com

Les auteurs.es transmettent aussi leur résumé (puis leur texte) simultanément au coordonnateur du numéro et au directeur de la revue :

Stéphane.Martineau@uqtr.ca

Philippe.Maubant@USherbrooke.ca

Les auteurs.es sont priés.es de déposer leur texte dans deux versions : l’une anonymée et la seconde non anonymée. Ils sont invités à indiquer :

  • Le titre de l’appel à communication visé ;
  • Leur institution d’appartenance et laboratoire d’attache ;
  • Leur adresse électronique professionnelle

 Pour tout message avec l’équipe éditoriale de la revue, merci de préciser dans le message le titre du numéro thématique.

Comment anonymer un texte ? Les auteurs.es doivent vérifier qu’aucun élément présent dans le texte anonymé ne permet de les identifier (propriétés du document, références dans le texte et bibliographie). Il en est de même pour la transmission des tableaux, images, schémas et figures qui doivent être transmis en fichiers séparés. Ces documents annexes doivent être très lisibles.

Les auteurs.es sont invités.es à indiquer pour toute soumission le titre de l’appel à communication visé (titre provisoire du numéro).

Les textes sont transmis en format Word uniquement (sur PC ou Mac).

Les textes doivent respecter les normes de présentation de l’American Psychological Association (APA), dernière version et adaptées en français pour répondre aux normes linguistiques en usage : https://bib.umontreal.ca/citer/styles-bibliographiques/apa

La longueur de chaque chapitre sera de 80 000 caractères « max » (espaces compris), en excluant le titre, les résumés en français et en anglais, les mots-clés en français et en anglais et la bibliographie.

Les textes sont présentés à interligne simple.

La police de caractères utilisée est GARAMOND (taille 11) ou AVENIR (taille 11).

PRÉSENTATION DES FIGURES, SCHÉMAS ET DES TABLEAUX :

  • Les tableaux, images, figures ou schémas sont limités à un maximum d’un par article et par catégorie, autrement dit un tableau et/ou une figure et/ou un schéma et/ou une image par article. Un tableau comme une figure ou un schéma ne doit pas dépasser une demi-page. Un tableau doit être lisible, légendé et référencé. Il en est de même pour les figures, images et les schémas. La légende doit être indiquée en dessous du tableau, de la figure, de l’image ou du schéma.
  • Ils doivent être transmis en format JPEG, TIFF, PDF ou PNG.
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HIÉRARCHISATION DES TITRES :

  • Trois niveaux de titre sont permis.
  • Numéroter les titres et les sous-titres afin de bien en préciser la hiérarchie (ex. : 1., 1.1., 1.1.1.).

FORMAT D’ÉCRITURE :

  • Utiliser l’italique uniquement pour les mots étrangers, termes latins et grecs et les titres d’ouvrages si ces titres sont référencés dans le corps du texte.
  • Utiliser le gras uniquement pour les titres et les sous-titres.

ÉCRITURE DES NOMBRES :

  • Les nombres de 0 à 10 (inclus) sont toujours écrits en lettres, que ces nombres soient au début ou à l’intérieur d’une phrase.
  • À partir de 11, les nombres sont écrits en chiffres dans les phrases ; s’ils sont au début d’une phrase, ils sont écrits en lettres.
  • S’il y a une énumération de plusieurs catégories évoquant des nombres différents dans une même phrase, tous les nombres sont écrits en chiffres.
  • Les nombres inférieurs à zéro, les fractions, les rapports et les pourcentages s’écrivent toujours en chiffres.

CITATIONS DANS LE TEXTE ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

Elles doivent respecter les normes APA 7e édition (Version francophone sans esperluette) :https://bib.umontreal.ca/citer/styles-bibliographiques/apa

Pour la bibliographie insérée dans le texte (incluant les références dans le texte), il est demandé qu’elle ne soit pas articulée à la bibliothèque numérique de l’auteur.

 

 

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