Numéro thématique coordonné par :
Muriel Grosbois, Laboratoire Formation et apprentissage (FoAP), CNAM, Paris, France.
Naouel Zoghlami, Laboratoire Formation et apprentissage (FoAP), CNAM, Paris, France.
naouel.zoghlamiterrien@lecnam.net
Avec la collaboration de Laurent Veillard, EDUTER, AGROSUP, Dijon, France et Jean-Marie Barbier, Laboratoire Formation et apprentissage (FoAP), CNAM, Paris, France :
laurent.veillard@agrosupdijon.fr
Argumentaire scientifique :
La problématique des liens entre langage et professionnalisation étudiée sous l’angle de la multimodalité dans la communication pour l’agir professionnel, est un créneau encore insuffisamment exploré au niveau international. Si de nombreuses recherches ont déjà permis de caractériser les pratiques langagières dans une diversité de situations de travail (Borzeix et Fraenkel, 2001 ; Boutet, 2001 ; Mondada, 2006 ; Filliettaz et Trébert, 2015 ; Ticca et Traverso, 2017 ; Lambert et Veillard, 2019), des chercheurs du FoAP ainsi que de l’Université d’Arizona se sont emparés des questionnements qui subsistent concernant le développement de compétences communicationnelles à caractère multimodal en lien avec divers types de pratiques et de situations professionnelles, lors d’une journée d’étude internationale qui s’est tenue au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) le 10 novembre 2023.
Le concept de professionnalisation, omniprésent dans les discours et les pratiques (Champy-Remoussenard, 2008 ; Maubant et Piot, 2011), exploré dans divers champs disciplinaires, est défini par Wittorski (2001) comme « un acte par lequel l’individu apprend, se forme, construit des compétences, cherche la reconnaissance, développe son expertise ». Cet acte se réalise via le langage. En effet, phénomènes langagiers et pratiques professionnelles sont intimement liés, le langage servant plusieurs fonctions comme le souligne Filliettaz : « Sur le registre praxéologique, le recours à des ressources langagières peut constituer un instrument de l’accomplissement de l’action et de la coordination au travail. […]. Sur le registre socio-relationnel, l’usage du langage contribue aux processus de socialisation professionnelle. […]. Enfin, sur le registre épistémique, le recours au langage participe à la mise en circulation des savoirs et à leur transmission au sein des collectifs de travail ». (2022a : 267).
Ce processus de professionnalisation sous-tendu par le langage pose la question des conditions de la professionnalisation ainsi que de la formation à la professionnalisation. Dans cette dernière, le langage joue un rôle clé à la fois en tant qu’enjeu de formation (compétences interactionnelles en situation de travail, pratiques et compétences attendues en littératie professionnelle dans un domaine métier, etc.) et en tant que moyen de formation (compétences nécessaires à l’usage de certains supports pédagogiques ; multimodalité des interactions formateur/apprenants et des gestes professionnels des formateurs, etc.). À cet égard, nous rejoignons Filliettaz (2022b) qui précise que dans la sphère académique, la langue constitue un objet de professionnalisation dans la mesure où les futurs professionnels doivent apprendre à maîtriser les ressources sémiotiques utilisées par les membres des communautés professionnelles qu’ils visent à intégrer. Cela implique que, sur le lieu de travail comme dans d’autres contextes sociétaux, le processus de professionnalisation englobe nécessairement une communication multimodale avec sa dimension verbale et non-verbale.
Les processus de professionnalisation sont d’autant plus complexes qu’ils se produisent dans un monde contemporain en perpétuelle évolution, exacerbée par l’urgence écologique et sociale, monde qui connaît d’importants changements sociétaux, y compris avec le développement de la formation tout au long de la vie, une montée en puissance du rôle du numérique, un rôle accru des compétences dites transversales pour les professionnels, en particulier la communication. La communication entendue ici comme activité sociale à intention et à effet de construction de sens entre sujets communicants (Barbier, 2017), dans laquelle activités et contexte se conditionnent réciproquement, est centrale à l’agir professionnel.
Si l’on considère que les capacités langagières sont essentielles au monde du travail et peut-être plus encore dans les situations de formation, il importe aussi de considérer que la communication n’est en rien réductible aux productions verbales, qu’elles soient orales ou écrites (Bezemer & Jewitt, 2018 ; Kress, 2019). La communication est de nature multimodale et plurisémiotique : une variété de modes sémiotiques (discours oral, pratiques de littératie complexes, postures énonciatives, gestes, regards, ton de la voix, inflexions, mobilisation d’objets ou d’outils, etc.), de langues, de types de pratiques ou de registres langagiers, peut être mobilisés pour communiquer. Le sens est construit en contexte par les interlocuteurs à partir de leurs propres représentations (partagées ou non) et de leur positionnement réciproque d’acteurs en relation.
La multimodalité peut se définir comme un usage en situation d’une combinaison de modes sémiotiques permettant aux interlocuteurs de créer du sens. Dans cet esprit, il est convenu d’appeler mode (ou ressource) la nature des informations (mode visuel, mode sonore, mode gestuel, mode linguistique, etc.). Le terme modalité sert lui à désigner l’usage concret et particulier d’un mode de communication (par exemple modalité écrite, vocale, picturale). Le terme medium correspond au moyen technologique de transmission de l’information, le numérique par exemple.
Si les sociétés contemporaines reconnaissent désormais l’importance de la communication multimodale, l’activité́ professionnelle continue toutefois d’être connue essentiellement au travers d’une formalisation dans la langue. Ce paradoxe transparaît aussi dans la conception de la plupart des formations professionnelles. Parce que la multimodalité reste ainsi un impensé de la communication pour l’agir professionnel, ce numéro thématique de la revue Phronesis entend combler cette lacune en interrogeant les relations inter-sémiotiques des activités de communication, les constructions de sens qui en résultent, ainsi que les jeux d’influence et de pouvoir qui leur sont liés, en lien avec l’agir professionnel.
Orientations souhaitées des contributions
Comme lors de la journée d’étude de novembre, nous encourageons des soumissions de chercheurs venant d’horizons divers faisant appel à des cadres théoriques et des approches méthodologiques différentes, en nous inscrivant dans une dimension internationale. Ce numéro entend ainsi porter des regards croisés ciblant des articles de synthèse et des articles de recherche empirique sur la base d’expérimentations menées dans des secteurs professionnels variés (par exemple l’agriculture, l’industrie, les services, la santé, l’enseignement, etc.) et avec des publics tout aussi variés (professionnels en exercice, apprenants adultes, alternants, formateurs, chercheurs, etc.).
Les contributions s’intègreront dans l’un des axes suivants :
- Identification et analyse des activités dans la communication multimodale pour l’agir professionnel : Quelles activités présentes ? Quels types d’articulations ? Quels effets d’influence sur les destinataires et sur les locuteurs eux-mêmes ?
- Identification et analyse des activités dans la communication multimodale pour la formation à l’agir professionnel : Quelle multimodalité pour quelles pratiques professionnelles et dans quels espaces d’apprentissage ? Quelles activités pour les formateurs ? Quelles activités pour les apprenants ? Quels impacts sur les apprentissages ? Quels effets sur le processus de professionnalisation ?
Une attention particulière sera portée aux soumissions relevant d’analyses de pratiques de communication multimodale dans des contextes insuffisamment étudiés tels que par exemple, la communication avec un public présentant un handicap, la communication en langue étrangère à des fins de professionnalisation, la communication managériale, la communication en formation de formateurs, la communication dans des groupements interprofessionnels, les gestes professionnels des formateurs, la communication dans un contexte hybride tel que celui de l’alternance.
Bibliographie indicative :
Ajayi, L. (2010). Preservice teachers’ knowledge, attitude and perception of their preparation to teach multiliteracies/multimodality. The Teacher Educator, 46, 6-31. https://doi.org/10.1080/08878730.2010.488279
Azaoui B., Tellier, M. (2020). Comment le corps coconstruit les discours et le sens. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage, (36). https://journals.openedition.org/rdlc/1085.
Barbier, J.-M. (2017). Encyclopédie d’analyse des activités. Presses universitaires de France.
Bezemer, J., Jewitt, C. (2018). Multimodality : A guide for linguists. In L. Litosseliti (Ed.), Research Methods in Linguistics Second Edition (p. 281-304). Bloomsbury Publishing.
Borzeix, A., Fraenkel, B. (2001). Langage et travail. Communication, cognition, action. CNRS Éditions.
Boutet, J. (2001). La part langagière du travail : bilan et évolution. Langage et société, 98, 17-42.
Boutin, J. F. (2012). La multimodalité : mieux comprendre la communication actuelle [et à venir]. Québec français, (166), 46-47. http://id.erudit.org/iderudit/67267ac
Chandler, P. (2017). To what extent are teachers well prepared to teach multimodal authoring? Cogent Education, 4, 1-19. https://doi.org/10.1080/2331186X.2016.1266820
Dupuy, B., Grosbois, M. (2020). Language Learning and Professionalization in Higher Education: Pathways to Preparing Learners and Teachers in/for the 21st Century. Research Publishing. https://files.eric.ed.gov/fulltext/ED608931.pdf
Dutoit, M. (2017). Identifier une multiplicité d’adresses dans une communication. Dans J.-M. Barbier et M. Durand (Eds.), Encyclopédie d’analyse des activités (p 179-192). Presses universitaires de France.
Elola, I., Oskoz, A. (2017). Writing with 21st century social tools in the L2 classroom: New literacies, genres, and writing practices. Journal of Second Language Writing, 36, 52-60.
Filliettaz, L. (2022). Langage et travail. Dans A. Jorro (Ed.), Dictionnaire des concepts de la professionnalisation, (p. 265-269). De Boeck Supérieur.
Filliettaz, L., de Saint-Georges, I., Duc, B. (2008). (Eds.). Vos mains sont intelligentes. Interactions en formation professionnelle. Cahier de la section suisse des sciences de l’éducation (117). https://www.unige.ch/fapse/editions/publications/cahiers/catalogue/117/
Filliettaz, L. Trébert, D. (2015). Le travail comme objet d’analyse dans les espaces interprétatifs de l’alternance : le cas de la formation professionnelle en éducation de l’enfance. Dans V. Lussi Borer (Ed.), Analyse du travail et formation dans les métiers de l’éducation (p. 159-178). De Boeck Supérieur.
Guichon, N., Cohen, C. (2016). Multimodality and CALL. In F. Farr & L. Murray (Eds). The Routledge Handbook of Language Learning and Technology., (p. 509-521). Routledge. ⟨hal-01303401⟩
Jewitt, C. (Ed.), (2009). The Routledge handbook of multimodal analysis. Routledge.
Kerbrat-Orecchionni, C. (2006). L’énonciation. De la subjectivité dans le langage. Armand Colin.
Kerbrat-Orecchionni, C. (1990, 1992, 1994). Les interactions verbales. Armand Colin.
Kress, G. (2009). Multimodality: A social semiotic approach to contemporary communication. Routledge.
Kress, G. (2019). L’apprentissage en tant que travail sémiotique : Vers une pédagogie de la reconnaissance. Dans V. Rivière et N. Blanc (Eds.), Observer la multimodalité en situations éducatives. Circulations entre recherche et formation (p. 25‑50). ENS Éditions.
Kress, G. (2000). Multimodality: Challenges to thinking about language. TESOL Quarterly, 34, 337-340.
Kress, G., Jewitt, C., Ogborn, J., Tsatsarelis, C. (2001). Multimodal Teaching and Learning: The Rhetorics of the Science Classroom. Continuum.
Lambert, P., Veillard, L. (2017). L’atelier, les gars et la revue technique. Pratiques et différenciations langagières en lycée professionnel. Glottopol, (29), 52-89.
Mondada, L. (2006). Interactions en situations professionnelles et institutionnelles : de l’analyse détaillée aux retombées pratiques. Revue française de linguistique appliquée, (11), 5-16.
OECD (2019). Skills for 2030. https://www.oecd.org/education/2030-project/teaching-and-learning/learning/skills/Skills_for_2030_concept_note.pdf
Rivière, V. (2022). Multimodalité. Dans A. Jorro (Ed.), Dictionnaire des concepts de la professionnalisation (p. 281-285). De Boeck Supérieur.
Rivière, V., Blanc, N. (2019). Observer la multimodalité en situations éducatives. Circulations entre recherche et formation. ENS Éditions.
Olivesi, S. (2006). La communication au travail : une critique des nouvelles formes de pouvoir dans les entreprises. Presses universitaires de Grenoble.
Royce, T. (2002). Multimodality in the TESOL classroom: Exploring visual‐verbal synergy. Tesol Quarterly, 36 (2), 191-205.
Royce, T (2007). Multimodal Communicative Competence in second language contexts. In T. D. Royce & W. Bowcher (Eds.), New Directions in the Analysis of Multimodal Discourse. Routledge.
The Douglas Fir Group (2016). A Transdisciplinary Framework for SLA in a Multilingual World. The Modern Language Journal, 100, 19-47.
Ticca, A., Traverso, V. (2017). Parole, voix et corps : Convergence entre l’interprète et le soignant dans les consultations avec des migrants. L’Autre, 18, 304-314.
Veillard, L. (2023). Apprendre au travail : rôles et questions didactiques posées, une modalité de transmission dans la formation professionnelle, Éducation et didactique, 17(1), 125-131.
Calendrier prévisionnel :
Publication de l’appel à texte : 1er février 2024
Transmission des résumés (500 mots) : 14 juin 2024
Transmission des réponses aux auteurs : 8 juillet 2024
Transmission des articles : 15 novembre 2024
Transmission des textes aux évaluateurs : 29 novembre 2024
Retours aux auteurs : 15 février 2025
Transmission de la version définitive des textes : 15 juin 2025
Publication : 2e semestre 2025 ou 1er semestre 2026
CONSIGNES AUX AUTEURS-ES :
Règles générales :
Les auteurs.es intéressés.es sont invités.es à soumettre leur résumé (500 mots) pour le 14 juin 2024 (date fixée par les coordonnatrices du numéro et/ou par le directeur de la revue).
Les auteurs.es transmettent leur résumé, puis leur texte directement à l’adresse suivante :
Les auteurs.es transmettent leur texte (sous réserve de l’acceptation du résumé par les coordonnatrices du numéro) simultanément aux coordonnatrices du numéro et au directeur de la revue :
Philippe.Maubant@USherbrooke.ca
Les auteurs sont priés de déposer leur texte dans deux versions : l’une déjà anonymée et la seconde non anonymée. Ils sont invités à indiquer :
- Le titre de l’appel à communication visé ;
- Leur institution d’appartenance et laboratoire d’attache ;
- Leur adresse électronique professionnelle
Pour tout message avec l’équipe éditoriale de la revue, merci de préciser dans le message le titre du numéro thématique.
Les auteurs sont priés de transmettre leur article dans deux versions : l’une déjà anonymée et la seconde non anonymée. Ils doivent vérifier qu’aucun élément présent dans le texte anonymé ne permet de les identifier (propriétés du document, références dans le texte et bibliographie). Il en est de même pour la transmission des tableaux, schémas et figures, qui doivent être transmis en fichiers séparés. Les auteurs sont invités à indiquer pour toute soumission le titre de l’appel à communication visé (titre provisoire du numéro).
Les textes sont transmis en format Word uniquement (sur PC ou Mac).
Les textes doivent respecter les normes de présentation de l’American Psychological Association (APA), dernière version et adaptées en français pour répondre aux normes linguistiques en usage : https://bib.umontreal.ca/citer/styles-bibliographiques/apa
La longueur de chaque chapitre sera de 80 000 caractères « max » (espaces compris), en excluant le titre, les résumés en français et en anglais, les mots-clés en français et en anglais et la bibliographie.
Les textes sont présentés à interligne simple.
La police de caractères utilisée est GARAMOND (taille 11) ou AVENIR (taille 11).
PRÉSENTATION DES FIGURES, SCHÉMAS ET DES TABLEAUX :
- Les tableaux, figures ou schémas sont limités à un maximum d’un par article et par catégorie, autrement dit un tableau et/ou une figure et/ou un schéma par article. Un tableau comme une figure ou un schéma ne doit pas dépasser une demi-page. Un tableau, comme une figure ou un schéma doit être lisible, légendé et référencé. Il en est de même pour les figures et les schémas. La légende doit être indiquée en dessous du du tableau, de la figure ou du schéma.
- Ils doivent être transmis en format JPEG, TIFF, PDF ou PNG.
- Les auteurs indiquent dans le texte l’emplacement des schémas, tableaux, figures à insérer. Ils les joignent en annexe dans des fichiers séparés et avec toutes les indications quant à la composition de ces documents.
- L’équipe éditoriale de la revue se réserve le droit de supprimer tout tableau, tout schéma ou toute figure jugée illisible et susceptible de nuire à la compréhension de l’argumentaire.
HIÉRARCHISATION DES TITRES :
- Trois niveaux de titre sont permis.
- Numéroter les titres et les sous-titres afin de bien en préciser la hiérarchie (ex. : 1., 1.1., 1.1.1.).
FORMAT D’ÉCRITURE :
- Utiliser l’italique uniquement pour les mots étrangers, termes latins et grecs et les titres d’ouvrages si ces titres sont référencés dans le corps du texte.
- Utiliser le gras uniquement pour les titres et les sous-titres.
ÉCRITURE DES NOMBRES :
- Les nombres de 0 à 10 (inclus) sont toujours écrits en lettres, que ces nombres soient au début ou à l’intérieur d’une phrase.
- À partir de 11, les nombres sont écrits en chiffres dans les phrases ; s’ils sont au début d’une phrase, ils sont écrits en lettres.
- S’il y a une énumération de plusieurs catégories évoquant des nombres différents dans une même phrase, tous les nombres sont écrits en chiffres.
- Les nombres inférieurs à zéro, les fractions, les rapports et les pourcentages s’écrivent toujours en chiffres.
CITATIONS DANS LE TEXTE ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
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